Produit travaillé et aisément consommable , le championnat américain demeure ,malgré les progrès des ligues FIBA , la vitrine du basket mondial et une référence incontestée en terme de niveau et de compétition.
Toutefois en tant que fan de longue date de la NBA je ne peux que m'interroger sur la tournure que prend son jeu ses dernières années.
Le tableau n'est évidemment aussi obscur que certains caricaturistes ne veulent le laisser penser,même si certains aspects peuvent légitimement nourrir quelques inquiètudes.
Nous pouvons d'ores et déjà constater la transformation de certains éléments qui témoigne de l'orientation possible du basket nord-américain.
Nous tenterons donc de dégager dans cet article les grands axes qui caractériseront probablement la NBA dans un avenir proche.
Tout d'abord la réussite et la reconnaissance du travail de coach D'Antony est de très bonne augure pour les années à venir.
Le boulot du coach en attaque commence à prendre davantage d'importance et ça promet de belles organisations sur le plan offensif.
En effet le travail du coach a toujours été reconnu avant tout pour le système défensif qu'il inculque à ses joueurs.
Seul Nelson avec Dallas dans les 90's avait une stratégie offensive,et l'on ne peut guère compter que Phil Jackson comme coach réputé pour son système offensif à cette époque.
Tous les coachs récompensés depuis 20 ans l'ont été avant tout pour la qualité de leur travail de l'autre coté du terrain.
Une sorte de consensus tenace s'était installé autour de l'idée que l'attaque est avant tout l'émanation des joueurs et qu'en quelque sorte le coach n'était pas responsable de la bonne tenue de l'équipe sur le plan offensif.
Certes , le travail en défense reste fondamental comme l'atteste la domination en PO des équipes défensives,mais depuis 2 ans le travail du coach en attaque est désormais valorisé et apparaît davantage comme de son réel ressort.
Cela reflète un changement de mentalité qui aboutira probablement à des attaques plus collectives et mieux construites car mieux travaillées.
De ce fait, la tendance à l'augmentation de la vitesse et du rythme du jeu ne sera pas forcément synoyme de pénétrations et d'individualisme,elle peut à l'inverse constituer une garantie de spectacle associée à une efficacité qui sera de plus en plus prouvée sur le terrain.
Il est ainsi fort possible d'assister à l'émergence de meneurs-passeurs très rapides,ainsi que d'arrières d'un nouveau genre.
En effet déjà le profil du deuxième arrière tend peu à peu se modifier,laissant place à des meneurs reconvertis comme Gilbert Arenas ou Kirk Hinrich.
Embarqué dans le jeu ultra-rapide du small-ball three,les 5 NBA ont paradoxalement tendance à afficher des lignes arrières de plus en plus petites,et à jouer une bonne partie du temps avec un seul intérieur.
En revanche les craintes de voir disparaître les purs shooteurs semblent de plus en plus justifiées,car ce type de jeu ne fait que renforcer une tendance identifiée depuis plusieurs années.
Le changement de style de jeu n'est pas l'unique raison bien sur,on peut davantage imputer ce phénomène à la valorisation outrancière de la dimension physique au détriment des fondamentaux techniques et collectifs dans les milieux universitaires américains et à une culture moderne magnifiant l'individualisme.
En conséquence les fines gachettes comme Rip Hamilton,Ray Allen,Mickael Redd ou Stojakovic tendent à s'éteindre progressivement des rosters us,ce qui d'ailleurs joue bien des tours à la sélection nationale lors des compétitions internationales.
Certes il y aura toujours des rôle-players à 3 points qui écarteront ponctuellement le jeu à l'instar d'un Steve Kerr, ou même actuellement de joueurs présentant un profil unidimensionnaliste comme Kyle Korver,mais ils se cantonneront à leur spécialité et ne pourront pas ,de ce fait, être des joueurs dominants.
Le risque majeur c'est d'assister à de gros bouchons dans la raquette,beaucoup trop de pénétrations et un jeu pas très aéré...
On pourrait donc analyser de prime abord que le jeu NBA va à coup sur s'appauvrir.
Retour de balancier et contrepoids de cette hypothèse,on trouvera de plus en plus à l'avenir des intérieurs européens possèdant un profil de shooteur capables de s'imposer en NBA comme l'a fait Nowitzky ou le fera Bargnani,au désespoir de fins limiers comme Macigauskas ou Jasikeviscus qui ne parviendront pas à s'adapter à la dimension physique de la NBA.
Si l'on poursuit dans cette vision positive des choses la prolifération future des meneurs très rapides garantira un jeu très visuel,et la baisse du niveau offensif global des joueurs jouant purement à l'intérieur modifiera le style de jeu habituel,stéréotypé et caricatural made in USA qui consiste à axer tout les systèmes sur le monstre de la raquette,à l'instar de Indiana, de San Antonio ou de Houston.
En effet,il n'est pas erroné d'affirmer que l'alternance intérieur-extérieur n'existe que peu dans la grande ligue,sauf dans le cas rare d'intérieurs-passeurs qui sont très peu nombreux:là encore on pourra espèrer l'émergence de quelques stars européennes aux fondamentaux solides et possèdant une acuité visuelle élevée à l'instar d'un Pau Gasol.
Ce qui dessinent de plus en plus clairement,c'est que des joueurs ultra-dominants dans la peinture comme JO,KG,Duncan, capables de contôler un match dans son ensemble ne seront bientôt plus à l'ordre du jour.
La nouvelle génération d'intérieurs américains possède d'indéniables qualités défensives mais un gros manque de fond de jeu dans leurs moves offensifs.
On aura donc ,pour schématiser , 2 profils d'intérieurs très différents au sein de la grande ligue : des joueurs rugueux et défensifs ou au contraire de faux intérieurs principalement porté sur l'attaque et jouant loin du cercle.
Du coup on peut déjà entrapercevoir dans la nouvelle génération que les futures stars de la ligue seront probablement des ailiers ,le poste qui devrait connaître la plus grosse plus-value tant au niveau de la densité que de la qualité dans les années à venir .
Espèrons que logiquement ces joueurs se démarquent de par leur polyvalence,et qu'on verra apparaître de plus en plus de "point-forward" à l'instar d'un Boris Diaw ou d'un Lamar Odom.
Cela peut laisser entrevoir la possibilité d'un jeu plaisant où les passes fusent de partout avec des ballons qui ressortent de la raquette grâce à ces joueurs inclassables ,véritablement placés entre deux eaux.
Mais je reconnais que c'est là un scénario optimiste,et que l'avenir est peut-être beaucoup moins rose avec la déification des scoreurs et la mise en avant,par son exploitation trop systématique,des qualités athlétiques des joueurs...qui malheureusement demeure avant tout au service d'un basket pauvre basé sur l'isolation et le défi en 1 contre 1.
Finalement l'internationalisation inévitable de la ligue,assurée par un attrait financier et symbolique toujours aussi fort,permettra sans aucun doute des progrès sur de nombreux plans tant sur le fond de jeu et les fondamentaux que pour les apports d'ordre "culturel".
On peut aussi envisager que D'Anthony fasse figure de pionnier dans la multiplication des coachs européens ou de culture européenne,très anormalement complètement absents de la NBA.
Ce serait un indéniable apport pour la ligue,et ce phénomène arrivera quand les deux parties seront prêtes,ce qui est certainement imminent.
En conclusion vous comprendrez que la vision que je possède de l'avenir de la NBA est loin d'être pessimiste,mais elle reste mitigée.
Pour moi elle passe en grande partie par le rapprochement avec la culture du basket européen.
Gageons que la croyance dans le mythe de l'éternel progrès des performances corporelles et du mariage bénéfique des civilisations puisse se matérialiser dans notre sport, et que nos continents puisse s'enrichir mutuellement.
L'internationalisation me semble obligatoire et représente aujourd'hui une question de survie comme l'ont compris bons nombres de clubs NBA dirigés par des managers clairvoyants.
C'est cette capacité à intégrer des joueurs venus d'horizons différents et de réussir à tirer le meilleur parti de cette autre forme de pratique qui devrait logiquement sauver la NBA ,et même plus globalement le basket nord-américain, de ce déclin maintes fois annoncé.
Abraracourcix
Jeu 18 Jan - 18:22
